Les chevaliers à l'armure verte
septième partie
A plusieurs reprises pourtant, malgré les vents contraires, la compagnie des chevaliers en armure verte avait su retrouver le chemin oublié du succès. Oh, c’était un petit chemin, un sentier même que ces hommes parcouraient, loin des champs de bataille du continent. Mais ces alliances du courage des chevaliers et de l’intelligence de leur général du moment avaient tôt fait de rallumer la flamme.
Les soirs de victoire, l’on se pressait dans l’enceinte du château de Geoffroy Guichard, l’on reprenait les chants glorieux du passé appris le soir au coin de l’âtre auprès d’un ancien, un ricard à la main, une gitane sans filtre coincée entre les lèvres. « Qui c’est les plus forts, évidemment, c’est les Verts, on a un bon public, et les meilleurs supporters. On va gagner, ça c’est juré, allez, allez, allez les Verts. » L’espace d’un instant, on se reprenait à rêver.
Au tournant de l’an de grâce deux mil, le peuple du Forez tout entier et ses fils perdus que la misère et la pauvreté avaient éparpillés dans toutes les contrées des terres de France crurent même fermement que la gloire était de nouveau à portée des chevaliers en armure verte. Le Grand chambellan Bompard, son fidèle Soler et le général Bob Nouzaret avaient passé un pacte: ensemble, ils seraient plus forts, ensemble, ils redonneraient à la compagnie du Forez son lustre des temps jadis. Le trio magique, ainsi que la rumeur publique les désigna rapidement, sut trouver les mots pour convaincre, les mots pour décupler les forces de leurs jeunes chevaliers parmi lesquels pointaient déjà les pages Sablé et Janot.
Mais la sorcière Domenech ne l’entendait pas ainsi. Et tandis qu’un avenir radieux se dessinait à nouveau dans les allées du château de Geoffroy Guichard, l’ignoble vieille femme aigrie eut de nouveau recours à sa magie noire.
Elle ensorcela les autorités administratives compétentes et fit délivrer à deux chevaliers du Brésil des sauf-conduits réservés aux seuls natifs du Portugal. Elle fit de même pour un chevalier d’Ukraine qui se retrouva muni d’une identité grecque qui n’était point sienne. Le trio magique ne découvrit point la supercherie car dans les terres du Forez, où l’hospitalité n’est pas un vain mot, on ne demande pas ses papiers à un homme qui jour après jour sur les champs de bataille prouve sa valeur et son engagement.
Dans le même temps, un soir d’agapes au château, la sorcière Domenech distilla un poison dans les amphores de saint-joseph que l’on versait aux convives. Ce poison eut tôt fait de couler dans les veines du Grand chambellan Bompard, de son fidèle Soler et du général Bob Nouzaret.
Dans les grimoires des initiés, ce poison a pour nom jalousie, c‘est un poison sans antidote tant il s’infiltre au plus profond des âmes faibles des hommes gagnés par la vanité. Et la jalousie fit voler en éclats les liens indéfectibles qui unissaient jusque là les trois hommes. Le général Bob Nouzaret fut dégradé, chassé de la compagnie du Forez et remplacé par un mercenaire gallois, un homme sans foi ni loi qu'on appelait Toshack.
Quelque temps plus tard, l’affaire des faux sauf-conduits éclata dans les gazettes. Le général Toshack prit la fuite. Le valeureux chevalier Wallemme et son sergent Garcia tentèrent en vain de reprendre les commandes du bateau vert devenu fou. Une nouvelle fois, la compagnie du Forez fut reléguée, bannie par les instances inquisitoriales. Une nouvelle fois, comme souvent en pareilles circonstances, l’heure fut aux règlements de comptes, aux manigances, aux coups tordus.
La compagnie dut se résoudre à livrer bataille en terres grenobloises ou picardes. Le 29 janvier de l’an de grâce deux-mil trois, on la vit même choir lourdement sur ses propres terres face à une troupe de forgerons de Gueugnon.
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