mardi 18 août 2009

Pour une approche Jamaïca-style de la tension d'avant-match


Lorsque nous étions sur le point, il y a quelques années de cela, de remonter en Ligue 1, notre équipementier, en plus de s'être implanté au début du XXe siècle dans la plaine du Forez, avait le bon goût d'avoir un sens certain de la pochade. Ses ateliers confectionnaient pour Jay Janot des tenues spéciales aussi excitantes que le hors-série estival des Inrocks ou le numéro double de L'Expansion. Il y avait eu l'hommage à l'Argentine ou bien encore le tartan célébrant la belle histoire d'amour entre Sainté et les supporters écossais du Mundial 98. Le paroxysme avait été atteint lorsque notre idole avait surgi du tunnel en total look Spiderman, cagoule comprise.

Avec le retour dans l'élite du futebol français, décision avait été prise de redevenir sérieux. S'il était possible de rire sur Eurosport, désormais c'était Canal Plus, activité trading joueurs et tenue correcte exigée. Finie la collaboration avec Duarig et place à la marque aux trois bandes dont nous tairons ici le nom puisque ce changement d'équipementier coïncida avec l'arrêt de la belle déconne vestimentaire à laquelle nous avions pris goût dans le respect de la coiffure d'autrui.

C'est en observant ces jours-ci l'hallucinante décontraction d'Usain Bolt et de ses compatriotes à Berlin que nous revient cette triste péripétie de la geste forézienne. Sur les images de Spider Jay, la conclusion est une évidence: c'est un stade tout entier, et d'abord une équipe de jeunes gens, qui s'éclate et comprend que le futebol est un jeu et que l'enjeu ne doit pas tuer le jeu. Dans ce contexte-là, aucune tension paralysante, nulle place pour le psychodrame permanent ou la peur de perdre mais simplement le petit détachement qui fait la différence au bout de 9"58 ou de 90 minutes plus le temps additionnel.

Notre conclusion à nous est la suivante: plus qu'un attaquant puissant, c'est un équipementier funky qui fait cruellement défaut au club de notre coeur.

SEPT LIGNES DE TEMPS ADDITIONNEL
L'histoire évidemment ne se réécrit pas, et nous sommes particulièrement bien placés, nous les adeptes du culte vert et les maudits du poteau carré, pour le savoir. Mais nous serions prêts à miser lourd sur ce qui suit: si Jay Janot avait pu poursuivre sur cette voie textile-là, Geoffroy Guichard aurait chanté bien des saisons au lieu de siffler bêtement un Bafé Gomis dont nous voyons bien qu'il commence à nous manquer grave.



samedi 15 août 2009

Le footballeur qui lisait des livres



L'autre soir, tandis que nous nous couchions, ma femme m'interpelle. C'était qui déjà le footballeur qui lisait des livres ? Nous n'habitons pas Clamart, chez nous, ce n'est pas la fête du sexe tous les soirs. Nous venions de discuter du concept nietzschéen de surhomme en butant quelque peu, autant l'avouer, sur la volonté de puissance. Et donc cette question. C'était qui déjà le footballeur qui lisait des livres.

Allumé par cette invite provocante, je pénètre, gaillard, dans ma mémoire et me dirige avec assurance vers un recoin précis de la pièce. Stupeur. J'y trouve un Philippe Vercruysse et un Stéphane Pédron. Putain, qu'est-ce qui foutent là, eux, qui a mis le oaille dans les étagères de ma mémoire pendant mes vacances. Je fulmine, j'éructe et entreprends de fouiller la pièce qui ne cesse de s'agrandir depuis 39 ans.

Dans l'appartement mitoyen, j'entends ma femme faire de même. De part et d'autre de la paroi, ça remue des caisses, ça renverse des piles, ça soulève des tapis d'où émergent des indices. Il avait donné une interview aux Inrocks. C'était un Breton. C'était avant qu'on soit les champions. Je reste bloqué comme un crétin devant Yoann Gourcuff. Il me faudra de longues minutes, peut-être vingt, pour m'en détacher. Et alors la révélation. Jocelyn Gourvennec, je hurle. Oh pardon tu dormais.

SIX LIGNES DE TEMPS ADDITIONNEL
"C'est la compétition comme je la subis depuis maintenant quatorze années. Je suis habitué. Je n'ai jamais revendiqué une place de titulaire ou un statut particulier si ce n'est le respect", dit Jay Janot de sa mise en concurrence avec Vincent Planté ce matin sur le site de Le Progrès. Ce soir, Jay, comme toutes les semaines depuis quatorze saisons, je t'ovationnerai. De loin. Je serai à Clamart.