jeudi 14 février 2008

contes & légendes du Forez (2)

Les chevaliers à l'armure verte
deuxième partie



Au commencement, dit-il, il y avait des commerçants, une famille de commerçants du nom de Guichard qui avaient imaginé un audacieux système de distribution des marchandises. Mais comment s’assurer que les cargaisons ne tombent point entre les mains des pillards qui rodaient dans les forêts sombres et les bois noirs bordant le Forez ?
L’aîné des Guichard, Geoffroy, eut l’idée de regrouper en une compagnie organisée les Foréziens les plus vaillants, les plus forts et les plus courageux pour protéger les convois de marchandises. Onze hommes en armure verte placés sous les ordres d’un général rigoureux. Après des débuts vacillants, et des défaites en série, le commandement fut confié aux généraux Snella et Batteux, des hommes d’une grande valeur qui apportèrent avec eux une véritable science de l’entraînement militaire. C’était pure magie. Et les premiers succès firent entrevoir un avenir radieux.
Leur successeur, le général Herbin, qu’on surnommait le Sphinx car, disait-on, il avait appris en Haute-Loire les secrets des Pharaons, reprit leur savoir mais y ajouta ses propres connaissances. Il fit venir aussi à grands frais deux mercenaires, l’un rompu aux combats dans les Balkans qui avait pour nom Ivan Curkovic, l’autre descendant des révolutions bolivariennes qui avait pour nom Oswaldo Piazza. Les jeunes hommes du Forez et les deux mercenaires renver-sèrent tout sur leur passage. Combien de batailles semblant perdues firent-ils basculer en leur faveur ? Combien de situations inextricables déjouèrent-ils pour s’imposer sur le fil ? Combien de victoires, combien de gloire offrirent-ils en retour au royaume du Forez ? Trop pour que les chroniqueurs de jadis puissent coucher sur leurs parchemins le recensement exact de ces hauts faits d’armes.
Quoi qu’il en soit, le succès de la compagnie des hommes du Forez était tel que ses échos débordaient les frontières du royaume et gagnaient toute la terre de France. Ces hommes étaient adulés, admirés dans les trente-six et quelque mille communes du pays. Dans le Forez, fort de ces victoires, Geoffroy Guichard était devenu le roi et s’était fait construire un immense château à l’anglaise non loin des collines de l’Etrat, en bordure du chemin qui menait par-delà les frontières du royaume.
Mais dans l’ombre patientait une sorcière ignoble dont la menace allait grandissante. Cette femme aigrie était jadis un bel arrière droit à la moustache virile quoique tombante qui avait tenté en ses jeunes années de s’enrôler dans la compagnie du Forez. Mais les sergents recruteurs l’avaient gentiment raccompagné aux frontières car Raymond Domenech, c’était son nom, malgré son enthousiasme et son envie, n’avait pas les qualités nécessaires pour porter l’armure verte. Non pas que cela fit plaisir aux chevaliers du Forez, dont la grandeur d’âme n’avait d’égale que la force, mais les règles étaient ainsi faites qu’on ne pouvait enrôler les âmes trop faibles qui eurent mis le collectif en danger et se seraient exposées pour elles-mêmes à un grand danger.
Pour Raymond Domenech, incapable d’aspirer à un intérêt supérieur au sien propre, ce fut une humiliation qu’il mâcha et remâcha tant et si bien qu’un matin, il se réveilla sorcière. Et méchante avec ça.



Aucun commentaire: