Les chevaliers à l'armure verte
sixième partie
Dans la confusion qui s’ensuivit, nul ne vit la sorcière Domenech s’introduire nuitamment dans le château de Geoffroy Guichard et en ressortir, dissimulant mal sous sa chasuble la caisse en ébène qu’elle emmena avec elle à Lyon et confia à son homme de confiance, un petit personnage qu’on appelait Aulas. « Sois patient, lui dit-elle, attends ton heure et un jour, je t’enseignerai la magie de la caisse en ébène. »
Dans le Forez, comme souvent en pareilles circonstances, l’heure était aux règlements de comptes, aux manigances, aux coups tordus. La dynastie des Guichard n’avait pas survécu à l’affaire. Certes, le château à l’anglaise s’élevait toujours non loin des collines de l’Etrat, en bordure du chemin qui menait par-delà les frontières du royaume et les gens du pays, avec respect, le désignaient encore du nom de Geoffroy Guichard. Mais des âmes faibles, attirées par l’appât du gain, se déchiraient le long du cours Fauriel pour tenter de contrôler la compagnie du Forez.
Certes, les riches heures des chevaliers en armure verte appartenaient sans doute au passé, mais dans les limites du petit royaume, la compagnie et ses nouveaux combattants, moins bien nourris, moins bien logés, attiraient encore pourtant les convoitises. Commander la compagnie, pensaient ces âmes fragiles, c’était contrôler le Forez, s'assurer la meilleure table dans les gargotes de la ville, s’attirer la galante compagnie des plus belles filles, obtenir les louanges des chroniqueurs du royaume, avoir crédit illimité dans les débits de boisson et les cercles de jeu.
Des années durant, Grand chambellan incontesté, Roger le Rocher avait régné sans partage sur la compagnie. Ses successeurs furent plus éphémères. Certains ne tinrent pas même trois mois. Loin de concentrer leur tâche sur de possibles succès à venir, ils devaient employer le plus clair de leur temps à déjouer les complots qui se tramaient contre eux.
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