samedi 16 février 2008

contes & légendes du Forez (4)

Les chevaliers à l'armure verte
quatrième partie



Il y avait au plus profond de la forêt du Pilat, au coeur de l’obscurité où jamais le soleil ne pénétrait, une caisse en ébène, noire comme la nuit, noire comme le charbon. Elle avait, disait-on, des pouvoirs magiques. Mais le peuple du Forez savait qu’elle était aussi maléfique et qu’il fallait être prudent quand on l’approchait. Personne du reste dans le royaume ne l’avait jamais vue. Les plus anciens se souvenaient parfois d’une personne des temps les plus reculés qui, disait-on, connaissait quelqu’un dont le voisin avait un beau-frère qui travaillait avec un homme dont l’assureur était en relation avec un paysan qui avait vendu trois vaches à un maquignon venu des Cévennes dont le grand-père avait fait la guerre de 1870 avec un maréchal-ferrant qui, disait-on encore, avait lui même ouvragé la ferronnerie de ladite caisse en ébène. C’était tout ce que l’on savait avec certitude.
Roger le Rocher s’enferma dans la tour des grimoires du château. A la lueur vacillante de bougies qu’il brûlait par centaines les unes à la suite des autres, il rechercha la trace de la caisse en ébène. Mais sa quête ne le menait nulle part. Un soir, tandis qu’il bourrait le culot de sa pipe, il fit tomber par mégarde un peu de tabac sur le sol de marbre de la salle de lecture. Se penchant pour le ramasser, il vit dans un coin de la pièce un vieil ouvrage qu’il n’avait jamais remarqué jusqu’alors. Le livre était couvert d’une poussière noire anthracite venue d’on ne sait où. Il l’épousseta soigneusement et le posa sur son lutrin. Son coeur battait la chamade, ses mains tremblaient lorsqu’il ouvrit avec précaution la lourde couverture en cuir du vieil ouvrage. Il mit du temps à déchiffrer l’écriture serrée qui courait sur les pages du livre. Mais au matin, les yeux rougis par l’effort, il poussa un hurlement de joie qui résonna dans tout le royaume du Forez. « Fouya ! » Roger le Rocher avait découvert le mystère de la caisse noire.

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