mercredi 20 février 2008

contes & légendes du Forez (8 et fin ?)

Les chevaliers à l'armure verte
huitième & dernière partie


Un général corse fut alors appelé en renfort pour sauver la patrie. Antonetti, c’était son nom, débarqua sur le continent et en cent jours renversa des montagnes. Sous ses ordres, les chevaliers Sablé, Janot, Carteron, Hellebuyck, Compan ou Hognon multiplièrent les assauts victorieux. La légende était de nouveau en route. La voie semblait dégagée.
Mais l’histoire bégaie quand une vieille sorcière à la haine recuite veille dans l’ombre noire et obscure. Vanité des vanités, tout est vanité. Et le poison jalousie fit de nouveau son oeuvre: le Grand chambellan Grange, épuisé par les querelles du château, renonça. Son successeur, le Grand chambellan Schmider, sombra à son tour sous les manigances des sires Caïazzo et Romeyer.
Les nouveaux régents renvoyèrent sur son île le général Antonetti. La révolte gronda dans les cités du Forez. Les nouveaux régents rappelèrent le général Baup, un ancien de la compagnie, le congédièrent. Firent venir un officier supérieur tchèque, le général Hasek, auquel ils adjoignirent le page Roussey, dont les talents de combattant avaient été détruits par l’affaire de la caisse en ébène et qui était ensuite entré à l’école des officiers dont il était sorti colonel. « Mais colonel, c’est insuffisant pour s'assurer la meilleure table dans les gargotes de la ville, s’attirer la galante compagnie des plus belles filles, obtenir les louanges des chroniqueurs du royaume, avoir crédit illimité dans les débits de boisson et les cercles de jeu », lui susurra la vieille sorcière qui s‘était déguisée cette fois en chroniqueur d'une gazette cryptée.
Le général Hasek s’en alla. Le colonel Roussey fut promu général mais seul le corégent Romeyer lui faisait confiance tan-dis que le corégent Caïazzo et son fidèle Da Fonseca pensaient à d’autres commandants en rupture de ban.
Dans l’intervalle, de preux chevaliers s’en étaient allés au gré des putsches et des coups d’Etat.
Le chevalier Janot était resté, lui, fidèle au poste, invincible le plus souvent, galvanisant le peuple du Forez et ses fils que la misère et la pauvreté avaient éparpillés à travers toutes les terres de France. Mais son épaule endolorie par tant de combats, tant de luttes avait fini par lâcher. Les défaites s’accumulèrent. Le doute gagna les esprits. Le printemps qui se dessinait serait sans doute nouvelle désillusion...

mardi 19 février 2008

contes & légendes du Forez (7)

Les chevaliers à l'armure verte
septième partie



A plusieurs reprises pourtant, malgré les vents contraires, la compagnie des chevaliers en armure verte avait su retrouver le chemin oublié du succès. Oh, c’était un petit chemin, un sentier même que ces hommes parcouraient, loin des champs de bataille du continent. Mais ces alliances du courage des chevaliers et de l’intelligence de leur général du moment avaient tôt fait de rallumer la flamme.
Les soirs de victoire, l’on se pressait dans l’enceinte du château de Geoffroy Guichard, l’on reprenait les chants glorieux du passé appris le soir au coin de l’âtre auprès d’un ancien, un ricard à la main, une gitane sans filtre coincée entre les lèvres. « Qui c’est les plus forts, évidemment, c’est les Verts, on a un bon public, et les meilleurs supporters. On va gagner, ça c’est juré, allez, allez, allez les Verts. » L’espace d’un instant, on se reprenait à rêver.
Au tournant de l’an de grâce deux mil, le peuple du Forez tout entier et ses fils perdus que la misère et la pauvreté avaient éparpillés dans toutes les contrées des terres de France crurent même fermement que la gloire était de nouveau à portée des chevaliers en armure verte. Le Grand chambellan Bompard, son fidèle Soler et le général Bob Nouzaret avaient passé un pacte: ensemble, ils seraient plus forts, ensemble, ils redonneraient à la compagnie du Forez son lustre des temps jadis. Le trio magique, ainsi que la rumeur publique les désigna rapidement, sut trouver les mots pour convaincre, les mots pour décupler les forces de leurs jeunes chevaliers parmi lesquels pointaient déjà les pages Sablé et Janot.
Mais la sorcière Domenech ne l’entendait pas ainsi. Et tandis qu’un avenir radieux se dessinait à nouveau dans les allées du château de Geoffroy Guichard, l’ignoble vieille femme aigrie eut de nouveau recours à sa magie noire.
Elle ensorcela les autorités administratives compétentes et fit délivrer à deux chevaliers du Brésil des sauf-conduits réservés aux seuls natifs du Portugal. Elle fit de même pour un chevalier d’Ukraine qui se retrouva muni d’une identité grecque qui n’était point sienne. Le trio magique ne découvrit point la supercherie car dans les terres du Forez, où l’hospitalité n’est pas un vain mot, on ne demande pas ses papiers à un homme qui jour après jour sur les champs de bataille prouve sa valeur et son engagement.
Dans le même temps, un soir d’agapes au château, la sorcière Domenech distilla un poison dans les amphores de saint-joseph que l’on versait aux convives. Ce poison eut tôt fait de couler dans les veines du Grand chambellan Bompard, de son fidèle Soler et du général Bob Nouzaret.
Dans les grimoires des initiés, ce poison a pour nom jalousie, c‘est un poison sans antidote tant il s’infiltre au plus profond des âmes faibles des hommes gagnés par la vanité. Et la jalousie fit voler en éclats les liens indéfectibles qui unissaient jusque là les trois hommes. Le général Bob Nouzaret fut dégradé, chassé de la compagnie du Forez et remplacé par un mercenaire gallois, un homme sans foi ni loi qu'on appelait Toshack.
Quelque temps plus tard, l’affaire des faux sauf-conduits éclata dans les gazettes. Le général Toshack prit la fuite. Le valeureux chevalier Wallemme et son sergent Garcia tentèrent en vain de reprendre les commandes du bateau vert devenu fou. Une nouvelle fois, la compagnie du Forez fut reléguée, bannie par les instances inquisitoriales. Une nouvelle fois, comme souvent en pareilles circonstances, l’heure fut aux règlements de comptes, aux manigances, aux coups tordus.
La compagnie dut se résoudre à livrer bataille en terres grenobloises ou picardes. Le 29 janvier de l’an de grâce deux-mil trois, on la vit même choir lourdement sur ses propres terres face à une troupe de forgerons de Gueugnon.

lundi 18 février 2008

contes & légendes du Forez (6)


Les chevaliers à l'armure verte
sixième partie


Dans la confusion qui s’ensuivit, nul ne vit la sorcière Domenech s’introduire nuitamment dans le château de Geoffroy Guichard et en ressortir, dissimulant mal sous sa chasuble la caisse en ébène qu’elle emmena avec elle à Lyon et confia à son homme de confiance, un petit personnage qu’on appelait Aulas. « Sois patient, lui dit-elle, attends ton heure et un jour, je t’enseignerai la magie de la caisse en ébène. »
Dans le Forez, comme souvent en pareilles circonstances, l’heure était aux règlements de comptes, aux manigances, aux coups tordus. La dynastie des Guichard n’avait pas survécu à l’affaire. Certes, le château à l’anglaise s’élevait toujours non loin des collines de l’Etrat, en bordure du chemin qui menait par-delà les frontières du royaume et les gens du pays, avec respect, le désignaient encore du nom de Geoffroy Guichard. Mais des âmes faibles, attirées par l’appât du gain, se déchiraient le long du cours Fauriel pour tenter de contrôler la compagnie du Forez.
Certes, les riches heures des chevaliers en armure verte appartenaient sans doute au passé, mais dans les limites du petit royaume, la compagnie et ses nouveaux combattants, moins bien nourris, moins bien logés, attiraient encore pourtant les convoitises. Commander la compagnie, pensaient ces âmes fragiles, c’était contrôler le Forez, s'assurer la meilleure table dans les gargotes de la ville, s’attirer la galante compagnie des plus belles filles, obtenir les louanges des chroniqueurs du royaume, avoir crédit illimité dans les débits de boisson et les cercles de jeu.
Des années durant, Grand chambellan incontesté, Roger le Rocher avait régné sans partage sur la compagnie. Ses successeurs furent plus éphémères. Certains ne tinrent pas même trois mois. Loin de concentrer leur tâche sur de possibles succès à venir, ils devaient employer le plus clair de leur temps à déjouer les complots qui se tramaient contre eux.

dimanche 17 février 2008

contes & légendes du Forez (5)

Les chevaliers à l'armure verte
cinquième partie



Aussitôt, il se mit en route. Mais le Grand chambellan agit avec la plus grande discrétion et n’entraîna à sa suite que son fidèle Garonnaire. Les deux hommes, au terme de péripéties qu’il est impossible de relater car ils en furent les seuls témoins et n’en parlèrent jamais, découvrirent au plus profond de la forêt du Pilat, au coeur de l’obscurité où jamais le soleil ne pénétrait, la caisse en ébène, noire comme la nuit, noire comme le charbon.
De retour au château de Geoffroy Guichard, Roger le Rocher et son fidèle Garonnaire accomplirent les rites magiques, prononcèrent les phrases sacrées. Dans une lumière éclatante, dans le fracas d’un tifo apparurent des chevaliers inconnus qui avaient pour nom Platini, Rep, Larios, Battiston, Zanon ou Genghini et de jeunes pages à l’avenir certain qu’on nommait Roussey et Paganelli.
La compagnie du Forez repartit tambour battant, bannière au vent et vola de nouveau de victoire en victoire. Las. La sorcière Domenech, qui avait des espions dans tous les royaumes de France et lisait dans les astres, avait ouï dire qu’une caisse noire était entrée au château de Geoffroy Guichard. Et que son arrivée avait redonné de la joie à Roger le Rocher jusque là abattu. Elle découvrit promptement la magie de la caisse noire et, toujours sous le coup de l’humiliation, décida qu’il n’en irait pas ainsi.
La veille femme qui avait plus d’un tour dans son sac se déguisa en une accorte créature et alla trouver les magistrats de l’Inquisition, ces émissaires de Paris, la lointaine capitale de la terre de France, qui entendait faire respecter ses us et coutumes par tous ses sujets, y compris le valeureux peuple du Forez. Usant de ses charmes, elle n’eut guère de mal à convaincre les Inquisiteurs que Roger le Rocher et les chevaliers en armure verte s’étaient placés en dehors de la Loi et que, ce faisant, ils dérogeaient à la règle.
Les magistrats lancèrent des mandats d’arrestation. Le Grand chambellan du royaume du Forez fut embastillé. Les nouveaux chevaliers, soumis à la question, interrogés par des agents de la CIA, cédèrent. L’opprobre était tel qu’ils durent fuir le Forez. Le meilleur d’entre eux, le chevalier Platini, franchit même les Alpes pour se réfugier en Italie.
La compagnie du Forez fut durement sanctionnée et reléguée au second plan. Finies les joutes européennes. Condamnés à se battre pour des miettes du grand festin, les chevaliers en armure verte devraient désormais en découdre avec de vulgaires Angevins, de frustres Rouennais et de grossiers Castelroussins.

samedi 16 février 2008

contes & légendes du Forez (4)

Les chevaliers à l'armure verte
quatrième partie



Il y avait au plus profond de la forêt du Pilat, au coeur de l’obscurité où jamais le soleil ne pénétrait, une caisse en ébène, noire comme la nuit, noire comme le charbon. Elle avait, disait-on, des pouvoirs magiques. Mais le peuple du Forez savait qu’elle était aussi maléfique et qu’il fallait être prudent quand on l’approchait. Personne du reste dans le royaume ne l’avait jamais vue. Les plus anciens se souvenaient parfois d’une personne des temps les plus reculés qui, disait-on, connaissait quelqu’un dont le voisin avait un beau-frère qui travaillait avec un homme dont l’assureur était en relation avec un paysan qui avait vendu trois vaches à un maquignon venu des Cévennes dont le grand-père avait fait la guerre de 1870 avec un maréchal-ferrant qui, disait-on encore, avait lui même ouvragé la ferronnerie de ladite caisse en ébène. C’était tout ce que l’on savait avec certitude.
Roger le Rocher s’enferma dans la tour des grimoires du château. A la lueur vacillante de bougies qu’il brûlait par centaines les unes à la suite des autres, il rechercha la trace de la caisse en ébène. Mais sa quête ne le menait nulle part. Un soir, tandis qu’il bourrait le culot de sa pipe, il fit tomber par mégarde un peu de tabac sur le sol de marbre de la salle de lecture. Se penchant pour le ramasser, il vit dans un coin de la pièce un vieil ouvrage qu’il n’avait jamais remarqué jusqu’alors. Le livre était couvert d’une poussière noire anthracite venue d’on ne sait où. Il l’épousseta soigneusement et le posa sur son lutrin. Son coeur battait la chamade, ses mains tremblaient lorsqu’il ouvrit avec précaution la lourde couverture en cuir du vieil ouvrage. Il mit du temps à déchiffrer l’écriture serrée qui courait sur les pages du livre. Mais au matin, les yeux rougis par l’effort, il poussa un hurlement de joie qui résonna dans tout le royaume du Forez. « Fouya ! » Roger le Rocher avait découvert le mystère de la caisse noire.

vendredi 15 février 2008

contes & légendes du Forez (3)

Les chevaliers à l'armure verte
troisième partie




Ses premiers sorts, au nombre de trois, elle les jeta par une douce soirée printanière de l’an de grâce mil neuf-cent soixante-seize. Les chevaliers du Forez combattaient ce jour-là une compagnie de chevaliers teutoniques venus de Bavière et qui leur contestaient la suprématie continentale. Le champ de bataille avait été clairement délimité dans un parc écossais du nom de Hampden. Comme à leur habitude, les chevaliers du Forez ne mégotèrent pas sur leur engagement. Le chevalier Bathenay puis le chevalier Santini eurent tour à tour l’occasion de terrasser l’adversaire. Mais le premier sort jeté par la sorcière Domenech eut raison de leurs tentatives. L’ignoble créature avait protégé les arrières bavaroises en proférant la formule ancestrale « Poteaux carrés, poteaux carrés, poteaux carrés ».
Son deuxième sort, plus terrible encore survint après une heure de combat. Tandis que les chevaliers du Forez, conformément aux règles encadrant les affrontements, se regroupaient, attendant que les dieux de la guerre ne sifflent la reprise du combat, la sorcière Domenech glissa à l’oreille du chevalier Beckenbauer « pourquoi n’attaques-tu point immédiatement, vois tes adversaires, ils reprennent leur souffle, ne te regardent pas, c’est l’heure, Franz, fais-le, et je ferai de toi un empereur ! » Alors ce dernier, au mépris des règles de la chevalerie, grisé par la soif de puissance, sonna l’assaut et lança le chevalier Roth jusque dans le saint-graal des Foréziens.
Blessés, à l’agonie, les hommes de la compagnie du Forez n’avaient plus qu’un seul espoir, un de leurs jeunes compagnons qu’on appelait l’Ange vert. Mais la sorcière Domenech, et c’était là son troisième sort, avait frappé d’une aiguille d’or et de plomb les adducteurs du jeune homme qui, ainsi amoindri, ne put inverser le sort des armes. Battus, les chevaliers du Forez regagnèrent leur royaume. Le Grand chambellan qui avait pour nom Roger le Rocher ne décolérait pas. Perdre, passe encore, mais perdre de la sorte, non ! « Si c’est ainsi, dit-il, tant pis pour les règles de la chevalerie, au diable les principes, au diable l’éthique et s’il faut employer désormais les pires moyens pour l’emporter, qu’il en aille ainsi ! »

jeudi 14 février 2008

contes & légendes du Forez (2)

Les chevaliers à l'armure verte
deuxième partie



Au commencement, dit-il, il y avait des commerçants, une famille de commerçants du nom de Guichard qui avaient imaginé un audacieux système de distribution des marchandises. Mais comment s’assurer que les cargaisons ne tombent point entre les mains des pillards qui rodaient dans les forêts sombres et les bois noirs bordant le Forez ?
L’aîné des Guichard, Geoffroy, eut l’idée de regrouper en une compagnie organisée les Foréziens les plus vaillants, les plus forts et les plus courageux pour protéger les convois de marchandises. Onze hommes en armure verte placés sous les ordres d’un général rigoureux. Après des débuts vacillants, et des défaites en série, le commandement fut confié aux généraux Snella et Batteux, des hommes d’une grande valeur qui apportèrent avec eux une véritable science de l’entraînement militaire. C’était pure magie. Et les premiers succès firent entrevoir un avenir radieux.
Leur successeur, le général Herbin, qu’on surnommait le Sphinx car, disait-on, il avait appris en Haute-Loire les secrets des Pharaons, reprit leur savoir mais y ajouta ses propres connaissances. Il fit venir aussi à grands frais deux mercenaires, l’un rompu aux combats dans les Balkans qui avait pour nom Ivan Curkovic, l’autre descendant des révolutions bolivariennes qui avait pour nom Oswaldo Piazza. Les jeunes hommes du Forez et les deux mercenaires renver-sèrent tout sur leur passage. Combien de batailles semblant perdues firent-ils basculer en leur faveur ? Combien de situations inextricables déjouèrent-ils pour s’imposer sur le fil ? Combien de victoires, combien de gloire offrirent-ils en retour au royaume du Forez ? Trop pour que les chroniqueurs de jadis puissent coucher sur leurs parchemins le recensement exact de ces hauts faits d’armes.
Quoi qu’il en soit, le succès de la compagnie des hommes du Forez était tel que ses échos débordaient les frontières du royaume et gagnaient toute la terre de France. Ces hommes étaient adulés, admirés dans les trente-six et quelque mille communes du pays. Dans le Forez, fort de ces victoires, Geoffroy Guichard était devenu le roi et s’était fait construire un immense château à l’anglaise non loin des collines de l’Etrat, en bordure du chemin qui menait par-delà les frontières du royaume.
Mais dans l’ombre patientait une sorcière ignoble dont la menace allait grandissante. Cette femme aigrie était jadis un bel arrière droit à la moustache virile quoique tombante qui avait tenté en ses jeunes années de s’enrôler dans la compagnie du Forez. Mais les sergents recruteurs l’avaient gentiment raccompagné aux frontières car Raymond Domenech, c’était son nom, malgré son enthousiasme et son envie, n’avait pas les qualités nécessaires pour porter l’armure verte. Non pas que cela fit plaisir aux chevaliers du Forez, dont la grandeur d’âme n’avait d’égale que la force, mais les règles étaient ainsi faites qu’on ne pouvait enrôler les âmes trop faibles qui eurent mis le collectif en danger et se seraient exposées pour elles-mêmes à un grand danger.
Pour Raymond Domenech, incapable d’aspirer à un intérêt supérieur au sien propre, ce fut une humiliation qu’il mâcha et remâcha tant et si bien qu’un matin, il se réveilla sorcière. Et méchante avec ça.



mercredi 13 février 2008

contes & légendes du Forez

Les chevaliers à l'armure verte
première partie


Il était une fois un jeune prince courageux et brave qu'on appelait Lewys.
Dernier-né du roi Guillaume et de la reine Jane, le jeune Lewys s'était pris de passion pour la compagnie héroïque et légendaire des chevaliers du Forez.
Las, les temps avaient changé. Le royaume du Forez était tombé en déshérence. Ses richesses, qu’il tirait de la terre et de son sous-sol, s’étaient taries. Les mines où l’on extrayait jadis du charbon avaient fermé, l’usine où l’on fabriquait naguère des vélos et des fusils avait été démantelée.
D’autres royaumes, plus puissants, étaient apparus aux marches mêmes du Forez. La ville franche de Lyon, où des bourgeois sans manière avaient chassé les anciens princes, avait fait fortune sur l’activité trading joueurs, un nom barbare qui cachait de peu louables pratiques d’esclavagisme. Plus au sud, Marseille, qu’avantageaient la présence de la mer Méditerranée et de sombres réseaux criminels organisés, s’était développé. A l’ouest, Bordeaux et sa façade atlantique dominaient. Au nord, d’autres villes-Etats avaient prospéré: Paris, Le Mans, Nancy.
Dans le Forez, où les hivers sont rudes et les étés incandescents, les hommes et les femmes du peuple se lamentaient. Ils vivaient sur le souvenir de leur grandeur passée, quand les chevaliers du Forez, reconnaissables entre tous à leur armure verte, semaient la terreur et l’effroi dans toutes les terres du milieu et même en Orient, sur les rives embrumées de la mer Caspienne. Là où passaient les chevaliers du Forez, disait-on, l’herbe repoussait verte, forcément verte.
Le soir au coin du feu, dans les taudis mal chauffés qu’était devenu l’habitat traditionnel forézien, les enfants se réunissaient autour d’un ancien. « Fouya », commençait ce dernier, un ricard à la main, une gitane sans filtre coincée entre les lèvres. C’était le signal magique, le sésame mythique. Alors l’ancien racontait encore et encore un épisode des temps jadis.
Ces histoires avaient profondément marqué les jeunes enfants du Forez. Devenus adultes, chassés de leur terre reculée par la misère et la pauvreté, ils avaient emmené avec eux pour seul bagage la mémoire collective des riches heures du Forez et essaimé à travers toute la terre de France. Le soir dans les tavernes où ils tentaient de noyer dans le houblon leur insondable tristesse, ils étaient souvent la risée des autres commensaux. On les appelait Losers, on les appelait nostalgiques, déclinologues. On les disait enfermés dans le passé, incapables de s’adapter aux nouvelles réalités de la globalisation.
Un jour, l’un d’eux, exilé, déraciné, posa son errance dans un bourg normand sur lequel régnaient le roi Guillaume et la reine Jane. Le couple royal avait trois enfants, trois rayons de soleil qui perçaient les nuages et balayaient les pluies qu’un destin contraire, une malédiction, avaient accumulés au-dessus de la contrée. Ils avaient pour nom Myfanwy, Owen et Lewys. Le pauvre hère chassé du Forez avait trouvé là la bonté, la générosité et le houblon qui lui manquaient tant depuis son départ en exil.
A son tour, comme les anciens qu’il vénérait dans ses jeunes années, il entreprit de conter la saga du royaume détruit. Mais Myfanwy était trop occupée par le prochain numéro de son magazine sur l’art équestre. Owen lui n’en avait que pour l’armée surbudgétisée de Lyon. Seul Lewys l’écouta.

jeudi 7 février 2008

L'histoire de mon pote Stefan K


Mon pote Stefan K est analyste financier. Je ne sais rien de plus de ses activités professionnelles.
Le 10 mars 1999, je le traîne au Stade de France pour assister au Red Star 93-AS Nous délocalisé pour cause d'événement exceptionnel jamais reproduit dans l'histoire de feue la D2. Nous sommes quelque 45.000 à nous réjouir ensemble de la remontée imminente dans l'élite du club cher à nos coeurs.

Ce soir-là, Jay Alonzo se blesse grièvement à une cheville et Patrick Revelles, notre Gomis d'alors (13 buts cette saison-là si j'en crois la ligue à Thiriez), le remplace dans les cages vu que Bob Nouzaret n'a pas appelé de gardien suppléant sur le banc des trois remplaçants (pauvre Jérémie Janot). Mais là n'est pas l'histoire.

L'histoire débute tandis que nous quittons le SdF dans la liesse d'une victoire méritée (2-1 - Nestor Subiat à la 36e, Lucien Mettomo à la 44e).

Voilà que Stefan K mon pote analyste financier se lance dans une ébouriffante prospective visionnaire dont je te restitue de mémoire la substance (à l'époque, j'étais minab' en archivage). "Y a 45.000 gars ici, y en a combien à Geoffroy-Guichard ? Saint-Etienne est une ville du passé. Pourquoi ne délocaliserait-on pas l'AS Nous en club résident du SdF ? Qu'est-ce qui empêche de déménager la raison sociale AS Nous du Forez en Ile-de-France ou dans un autre bassin d'activité économique dynamique ?" Ma réponse à base de terroir, d'enracinement, de mémoire tout ça, tout ça ne le satisfait nullement, évidemment.
A l'époque, je lis beaucoup Paul Auster qui évoque régulièrement le déménagement de je ne sais plus quelle équipe de base-ball lorsque le Yankee Stadium dut provisoirement fermer pour des travaux de rénovation.

Voilà Bertrand à quelle lugubre perspective me renvoie ton inquiétant sms de 15h18 GMT "figure-toi que des matches de premier league vont probablement se jouer à l'étranger".