mardi 26 mai 2009

Dans le déni de l'émotion


Il est quelque chose comme 18h45. Sur OLTV, Jean-Michel Aulas annonce le départ de Juninho. Soudain, c'en est trop pour le petit Brésilien qui quitte le plateau, balayé par l'émotion.

Cette scène, normalement, devrait au mieux m'indifférer, au pire me faire ricaner. Pourtant, je fixe l'écran, je fixe son absence soudaine, là, dans l'axe de la caméra 3, et mes yeux s'embuent. Est-ce parce que ma mère l'autre jour le trouvait sexy à la Une de L'Equipe Magazine ? Est-ce le parallèle que mon inconscient en gros sabots a tôt fait d'établir avec le départ d'une tristesse à nulle autre pareille de Giscard circa le 10 mai 1981 ?

Il s'y mêle de la persévérance, de l'amour du maillot, de la fidélité. Tu sais, cette fidélité-là: "car tu es loin de moi et moi je crève de ne pouvoir te toucher", comme dit Miossec. Je pense aussi à Elsa Lunghini. "Les trahisons par ambition/les faux semblants les faux serments/ce sera jamais nous/les petits sourires pour mieux mentir/les grandes histoires d'amour d'un soir/ce sera jamais nous."

A quelques mètres sur ma droite, en bord cadre de mon champ de vision, mon pote Bertrand se marre comme une baleine. Il explose de rire, on dirait une bombe à fragmentation. Il est au-delà du cynisme, dans un monde ailleurs.

Mon pote Bertrand, son collègue Patrick, son frère François, ils partagent un sale credo. "La manière, ils disent, c'est pour les perdants." A grands traits, seule la victoire est belle, ce genre de bullshits que les galonnés du Chemin des Dames se passaient en boucle, dont ils se gargarisaient la bouche.

Mon pote Bertrand, il est au futebol ce que la Commission est au rêve européen, une machine realpragmatick à rogner les ailes du désir, à briser les envolées dans le déni de l'émotion et la froideur des statistiques et des "opérations comptables". L'autoroute du succès contre le vicinal du style, le TGV de la victoire à tout prix contre la Pacific 231 des romantiques. Lyon contre Sainté, finalement.

D'où cet étrange paradoxe qui me voit pleurer ce mardi soir le départ de Juninho. Comme un avant-goût du départ un jour inéluctable de Jay Janot.

2 commentaires:

Unknown a dit…

En même temps, si Bertrand était une machine realpragmatick, il ne supporterait pas le grand club de la capitale...comme Patrick d'ailleurs.

Anonyme a dit…

BON DEPART