C'est un murmure qui monte en décibels jusqu'à saturer l'espace de nos réflexions. Une voix pécheresse qui nous incite au sacrilège.Au début, nous n'y prêtons pas la moindre attention. Nous sommes invités à une fête de jeunes dans l'Est parisien. Comme nous ne connaissons pas grand monde, nous nous tenons dans la fort stratégique cuisine où, savez-vous où est le tire-bouchon, les discussions sont faciles à engager. Et voilà que ces mots sont prononcés. Qu'ils survivent à quelques heures de sommeil et à une douche, qu'ils s'accrochent et nous condamnent à ampégir (1). "Il est trop petit, il peut pas être bon." Rire gras qui ose tacher notre foie. Déni de la réalité statistique qui ose ébranler nos seules certitudes. L'odieuse petite musique squatte notre crâne, la petite musique me nuit. Le Jay qui repousse sur Plasil pour l'ouverture du score de Bordeaux. Le Jay qui se troue sur l'égalisation de Welcome. "Il est trop petit, il peut pas être bon."
Nous sentons encore l'alcool qui imbibe ces mots, mais nous voyons aussi les images siglées Canal Plus. L'ombre d'un doute. Et s'ils avaient raison, ces mots insidieux ? Et si nous la croquions, cette pomme ? Et si nous nous laissions happer par la meute des colporteurs de stéréotypes, des sans-mémoire qui courent nus sur des landes balayées par un vent mauvais, horizon bouché par de tristes barrières mentales ? Et si nous les embrassions, ces mange-disques qui reprennent sans raison le jugement de ceux qui hurlent le plus fort ? "Il est trop petit, il peut pas être bon."Nous vacillons sous les coups de boutoir des ricanants. "Jay, Jay... ah non, Jay pas." Horrible tentation des cris. Mais nous n'avons pas parcouru tout ce chemin pour nous vautrer comme une grosse bouse. Alors, tel Manu Petit intercédant auprès de Zinedine Zidane, nous implorons l'esprit du Jay, nous l'adjurons. Aide-nous à désentendre cette sale petite musique.
Et le Jay, as ever, ne nous fait pas défaut. C'est par l'entremise de l'édition du 29 avril de France Football que sa parole vient à notre secours et nous ouvre la voie de la rédemption. Baptiste Chaumier est allé auprès de lui qui s'apprête à disputer son 383e match sous le maillot vert et égaler, précise le journaliste, Ivan Curkovic. Et voilà ce que lui dit le Jay: "Je n'égale pas Curko, parce qu'il est inégalable, je le rejoins."
QUATRE LIGNES DE TEMPS ADDITIONNEL
Lecteur ami car exigeant, tu auras sans doute relevé l'irruption inopinée d'une première personne du singulier. Mais la petite musique nous nuit, c'est de suite gravement moins mozartien. Et nous te rappelons que nous sommes ici chez wam, not but !(1) Christine Murillo, Jean-Claude Leguay et Grégoire Oestermann, Le Baleinié, dictionnaire des tracas, Seuil 2003
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