dimanche 31 mai 2009

Rideau


"C'est aussi dans la souffrance que les joueurs apprennent", explique Coach Perrin au soir de la 38e et dernière journée d'une saison en enfer.

Vingt défaites, une moyenne minable de 1,05 point par match. 1,05 but marqué pour 1,47 but encaissé par journée. La quatorzième attaque du championnat, la dix-neuvième défense. La plus mauvaise équipe à l'extérieur avec neuf nanopoints pris en dix-neuf déplacements... Au final, quarante points, une différence de buts négative de seize unités et une dix-septième place qui fait de nous les Kate Winslet de la Ligue 1 lâchant la main de Leonardo Di Caprio. Glaçant.

Mais si Coach Perrin dit vrai, si on apprend dans la souffrance, alors les Stéphanois sont devenus cette saison des encyclopédies en short, des érudits à crampons moulés, des doctes en maillot domicile/extérieur et avec tout ce savoir accumulé, ça va rigoler la saison prochaine. Bordeaux, serre les fesses, on arrive à toute vitesse.

SIX LIGNES DE TEMPS ADDITIONNEL
Allez, la performance stéphanoise n'est pas si pathétique. Sur les dix saisons précédentes, avec un tel bilan, Sainté se serait maintenu sept fois et n'aurait été relégué que trois fois. En 1969/70, on aurait même décroché une cinquième place qualificative pour l'Europa League... Hein...? Quoi...? La victoire à deux points ? C'est quoi c'tte histoire ?

mardi 26 mai 2009

Dans le déni de l'émotion


Il est quelque chose comme 18h45. Sur OLTV, Jean-Michel Aulas annonce le départ de Juninho. Soudain, c'en est trop pour le petit Brésilien qui quitte le plateau, balayé par l'émotion.

Cette scène, normalement, devrait au mieux m'indifférer, au pire me faire ricaner. Pourtant, je fixe l'écran, je fixe son absence soudaine, là, dans l'axe de la caméra 3, et mes yeux s'embuent. Est-ce parce que ma mère l'autre jour le trouvait sexy à la Une de L'Equipe Magazine ? Est-ce le parallèle que mon inconscient en gros sabots a tôt fait d'établir avec le départ d'une tristesse à nulle autre pareille de Giscard circa le 10 mai 1981 ?

Il s'y mêle de la persévérance, de l'amour du maillot, de la fidélité. Tu sais, cette fidélité-là: "car tu es loin de moi et moi je crève de ne pouvoir te toucher", comme dit Miossec. Je pense aussi à Elsa Lunghini. "Les trahisons par ambition/les faux semblants les faux serments/ce sera jamais nous/les petits sourires pour mieux mentir/les grandes histoires d'amour d'un soir/ce sera jamais nous."

A quelques mètres sur ma droite, en bord cadre de mon champ de vision, mon pote Bertrand se marre comme une baleine. Il explose de rire, on dirait une bombe à fragmentation. Il est au-delà du cynisme, dans un monde ailleurs.

Mon pote Bertrand, son collègue Patrick, son frère François, ils partagent un sale credo. "La manière, ils disent, c'est pour les perdants." A grands traits, seule la victoire est belle, ce genre de bullshits que les galonnés du Chemin des Dames se passaient en boucle, dont ils se gargarisaient la bouche.

Mon pote Bertrand, il est au futebol ce que la Commission est au rêve européen, une machine realpragmatick à rogner les ailes du désir, à briser les envolées dans le déni de l'émotion et la froideur des statistiques et des "opérations comptables". L'autoroute du succès contre le vicinal du style, le TGV de la victoire à tout prix contre la Pacific 231 des romantiques. Lyon contre Sainté, finalement.

D'où cet étrange paradoxe qui me voit pleurer ce mardi soir le départ de Juninho. Comme un avant-goût du départ un jour inéluctable de Jay Janot.

mardi 19 mai 2009

De l'étrange et troublant parallélisme des courbes de Mlle Efira et de l'AS Nous


Les deux mondes qui nous occupent aujourd'hui, au-delà de leurs liens d'interdépendance économique, ont en commun un même mot, une même expression qu'ils se partagent en une symétrique indivision, mercato.

De symétrie, il est aussi largement question si on daigne s'arrêter sur les trajectoires récentes de l'AS Nous et de Virginie Efira, présentatrice trop vite arrachée à notre affection de partisans de La Nouvelle star.

Petit retour en arrière. Saison 2007-2008. Les jeunes pensionnaires du Forez font souffler un vent de fraîcheur sur la Ligue 1; fraîcheur, le terme revient avec une identique régularité dans l'abondante couverture médiatique consacrée à la si sexy demoiselle Efira. Pour l'une comme pour les autres, la saison s'achève en apothéose: retour en Europe pour ceux-ci après vingt-six ans de disette continentale, transfert triomphal sur Canal Plus et Théâtre de Marigny pour celle-là. En commun la consécration d'un portrait en der de Libé.

Et puis novembre, et puis janvier. Les Verts sombrent dans une série noire anthracite et enchaînent sept défaites de rang en championnat, zéro point sur vingt-et-un possibles. Sur la chaîne cryptée, Mlle Efira prend l'antenne. Première défaite, première émission, on se dit que jusqu'ici tout va bien, que des réglages voyez-vous, que des ajustements vous dit-on. Et puis deuxième, troisième, quatrième défaite/émission. C'est la bascule sur l'inéluctable, vent contraire, rame la galère, aboient les garde-chiourmes.
Trente-sept points, à peine un par match, 340.000 téléspectateurs, même pas un point. Ligue 1, Canal Presque, c'est plié.

Sur ces photos, Virginie Efira et les Stéphanois sont les hypersymboles de la jeunesse triomphante. Mais ces clichés pris sur la Croisette et à Jules-Deschaseaux, mondes des faux-semblants et du clinquant de l'artifice, masquent mal la triste réalité d'une saison 2008/2009 en enfer, d'une saison à oublier.

QUATRE LIGNES DE TEMPS ADDITIONNEL

"Quand on perd, on cherche toujours le responsable. Les causes sont multiples et le sort de la saison ne se joue pas sur un coup de dé", rappelle fort opportunément Didier Bigard dans La Tribune/Le Progrès.



lundi 18 mai 2009

Just another exception française


Alors le maintien, à 42 points, à 40, à 39 ? Si le championnat était un examen, nous aurions la réponse à cette obsédante question. Mais le championnat est un concours où la performance d'autrui influence directement notre destin.
Au terme de la 36e journée de cette putain de saison, l'AS Nous compte 37 points, moitié moins que le leader bordelais, et une pauvrette longueur d'avance sur le premier relégable.


Moitié moins que le leader: voici un joli ratio comme on les aime ici, un outil de comparaison facile d'utilisation et d'entretien, avec une bonne prise en main, une autonomie des plus satisfaisantes et une rigueur scientifique avérée.


En Angleterre, avec 50% du capital mancunien, nous émargerions à la 12e place, avec 9,5 confortables points de plus que le premier relégable. Maintien assuré. En Primera Liga, nous serions également à la 12e place. Mathématiquement, rien ne serait fait, mais avec six points d'avance sur le 18e et deux matches à jouer, la sérénité sonnerait à notre porte après s'être essuyé les pieds sur notre paillasson Ici c'est le Chaudron. Nous n'aurions plus qu'à lui ouvrir. En Série A, nous serions un peu plus loin, à la 15e place, mais définitivement à l'abri d'une infâmante relégation. En Bundesliga enfin, nous partagerions la 13e place avec l'Eintracht Francfort et, à une journée du terme de la saison, nous pourrions travailler dès à présent sur la saison prochaine, celle des espoirs encore intacts.

Dans le cadre de la nécessaire harmonisation européenne, nous proposons donc que la Commission s'empare de la question et décide que tout club ayant accumulé 50% des points du leader à deux journées de la fin de la saison soit automatiquement maintenu dans l'élite. Cette directive serait seule à même d'éviter de profondes, injustes et intolérables distorsions de concurrence entre le supporter soulagé de l'Eintracht Francfort et le supporter angoissé de l'AS Nous.

QUATRE LIGNES DE TEMPS ADDITIONNEL

Pas moyen de mettre la main sur le classement du championnat moldave. Mais le pays qui a permis la plus belle émotion de la 54e édition du concours de l'Eurovision doit lui aussi bénéficier de cette règle de justice et d'équité.

mardi 12 mai 2009

"Ils sont maudits" (suite & fin)


"SUR UNE FAUTE BENIGNE"
Les Stéphanois l'ignorent. Mais leur chance est passée. A la 57e minute du match, l'arbitre hongrois Karoly Palotai sanctionne Oswaldo Piazza pour une charge litigieuse sur Gerd Müller. Le coup franc est situé à 25 mètres, "sur une faute bénigne, idiote", se lamente le commentateur.
Beckenbauer décale astucieusement pour Franz Roth, alias le "Bull" (le taureau), dont le tir trompe Curko, impuissant. "L'arbitre a repoussé le mur en oubliant de siffler. Il a ouvert l'angle de tir et a fait jouer avant que nous ayons pu nous regrouper", expliquera le portier yougoslave dans les vestiaires stéphanois. L'expérience bavaroise a payé.

"ET ROCHETEAU VA RENTRER"
Il reste une demi-heure de jeu, et Robert Herbin envoie Dominique Rocheteau s'échauffer. Le jeune attaquant stéphanois, 21 ans, est le joker des Verts. En quart de finale, contre le Dynamo Kiev, c'est lui qui a inscrit le but de la qualification au terme d'un suspense éreintant. Mais l'Ange vert s'est blessé à la cuisse en demi-finale à Eindhoven. Claquage. A la 80e, il remplace Sarramagna. Trop tard. Les jeux sont faits. La Coupe reste bavaroise.
"En dix minutes, il a éclairé trois fois le jeu et affolé la défense allemande autant qu'elle avait pu l'être durant les 80 premières minutes. Sans commentaire", se désole Gérard Simonian dans La Tribune-Le Progrès, le quotidien régional. Dans L'Equipe, Jean-Philippe Rethacker regrette que Rocheteau "n'ait pu participer pendant tout le match avec toutes ses forces à cette finale que les Stéphanois méritaient décidément de gagner".

Sources : L'Equipe; La Tribune-Le Progrès; commentaires en direct pour Antenne 2 de Thierry Roland et Bernard Père (transcription: Jacques-Olivier André).

SEIZE LIGNES DE TEMPS ADDITIONNEL

Bayern Munich – AS Saint-Etienne 1-0
(0-0 à la mi-temps)
But : Roth (57e)
Arbitre : M. Karoly Palotai (Hongrie)
Hampden Park – 70.000 spectateurs environ.
Soirée fraîche. Vent gênant et tourbillonnant. Terrain sec.
Les équipes :
Bayern – Sepp Maier – Johnny Hansen, Hans-Georg Schwarzenbeck, Franz Beckenbauer (cap), Udo Horsmann – Franz Roth, Bernd Dürnberger, Hans-Joseph Kapellmann – Karl-Heinz Rummenigge, Gerd Müller, Ulrich Hoeness
Entraîneur: Dettmar Cramer
Saint-Etienne – Ivan Curkovic – Pierre Repellini, Oswaldo Piazza, Christian Lopez, Gérard Janvion – Dominique Bathenay, Jacques Santini, Jean-Michel Larqué (cap) – Patrick Revelli, Hervé Revelli, Christian Sarramagna (Dominique Rocheteau 80e)
Entraîneur : Robert Herbin

lundi 11 mai 2009

"Mais ils sont maudits ! C'est pas possible !"


Ce mercredi 12 mai 1976, les gradins de l'Hampden Park de Glasgow sont verts. Vert comme la couleur du maillot des Stéphanois qui défient le Bayern Munich en finale de la Coupe d'Europe des clubs champions.
Face au double tenant du titre, emmené par Sepp Maier, Franz Beckenbauer et Gerd Müller - l'ossature de l'équipe d'Allemagne sacrée championne du monde deux ans plus tôt -, les hommes du président Roger Rocher se présentent diminués par les forfaits de Christian Synaeghel et Gérard Farizon et la blessure de Dominique Rocheteau, le feu follet de l'attaque forézienne, l'"Ange vert".

"ILS SONT MAUDITS !"
Le début de rencontre est tendu, crispé. L'enjeu étouffe les velléités offensives. "Une partie d'échecs, avec un peu plus de vivacité quand même du côté stéphanois", note Bernard Père, un des deux envoyés spéciaux d'Antenne 2.
En tout début de partie, Gerd Müller trouve le chemin des filets. Mais son but est refusé pour hors jeu. Tout s'accélère à la demi-heure de jeu. A la 34e minute, Dominique Bathenay récupère le ballon dans le rond central, s'avance, échappe au tacle de Karl-Heinz Rummenigge et arme son pied gauche. La frappe s'écrase sur la barre transversale. Hervé Revelli est la réception mais sa tête pas assez appuyée finit dans les bras de Sepp Maier.
Dans la minute qui suit, le danger change de camp. Servi par Schwarzenbeck dans la surface de réparation, Hoeness contraint Curkovic à un arrêt en deux temps.
A la 40e, Sarramagna enrhume une nouvelle fois le flanc droit de la défense allemande. A la reprise de son centre, Jacques Santini. Mais la tête du futur sélectionneur de l'équipe de France trouve encore les montants carrés.
"Encore une fois la barre ! Mais ils sont maudits ! Ils sont maudits ! C'est pas possible !", s'étrangle Thierry Roland au micro d'Antenne 2.